APRÈS-MIDI DE RENTRÉE DE LA SECTION CLINIQUE
PARIS ÎLE-DE-FRANCE

Paranoïa et schizophrénie aujourd’hui

Les troubles de l’humeur dans la schizophrénie et la paranoïa 

– le samedi 6 septembre 2025 – 14 h 00

Les troubles de l’humeur sont devenus une catégorie nosographique omniprésente dans les discours actuels sur la maladie psychique. C’est une nomination qui tente de produire un ensemble générique, une langue commune, hors étiologie, entre chercheurs et cliniciens. « Troubles de l’humeur » est une référence nosographique, signe des temps modernes, dont la forte valeur marchande vise surtout à quantifier l’efficacité des antidépresseurs et autres thymorégulateurs. Ainsi se fabriquent des sujets qui mettent en échec les politiques de santé, responsables du ratage des « idéaux utilitaires « selon l’expression de Lacan, dans un monde qui produit sanscesse des objets de jouissance.

La psychanalyse s’est démarquée des théories de l’humeur comme elle s’estdémarquée des causes organiques de la psychose1.

Observons que, déjà en 1895, dans le manuscrit G, Freud tente d’élucider les différences quant à l’étiologie, entre névrose d’angoisse et mélancolie. Freud y distingue trois formes de mélancolie : d’abord la mélancolie « banale et grave, périodique ou cyclique, dans laquelle alternent des périodes de recrudescence et de diminution de la production de l’excitation sexuelle : « il s’agit là de la psychose maniaco-dépressive. » Selon Freud2, il existe aussi la « mélancolie neurasthénique » et en troisième lieu un mixte de névrose d’angoisse et mélancolie, appelé « mélancolie anxieuse ». Ensuite, la notion de défense sera relayée par les concepts de libido d’objet et libido du moi. Selon Freud « chez le névrosé, on aurait une bipolarité de l’amour reliée à l’inhibition quant au but et à l’identification relative du sujet à l’objet de la faute morale. Chez le psychotique, l’inhibition serait d’un autre ordre, et en plus, l’identification à l’objet déchet quoique profonde, est singulière car le sujet, tout en s’autoaccusant de tous les torts, ne se comporte pas vraiment comme le responsable de la faute ». La haine de soi de type mélancolique est une forme de douleur morale à ciel ouvert, tandis que l’amour maniaque serait une modalité de soulagement de la douleur suicidaire.

Eric Laurent nous rappelle que pour Freud, « le rapport au corps du sujet parlantest marqué d’un trait passionnel qu’il a épinglé de « narcissisme ; mais aussi que pour Lacan le narcissisme n’est pas primaire, mais suppose une opération : celle du stade du miroir. « Lors de cette opération, un agent, le parent, qui tient l’enfant devant le miroir, doit autoriser l’enfant à s’identifier à son image qui se présente à lui dans une dimension d’altérité -l’intervention, avec l’exaltation qui l’accompagne, étant grosse de troubles de l’humeur qui marquent là le corps jubilant ou mortifié par l’impact de la reconnaissance ou du rejet parental »3.

Dans l’orientation lacanienne, il n’est pas tant question de troubles de l’humeur que d’affects. Notre boussole dans cette affaire est la clinique de l’aliénation/séparation, qui rend compte de la manière, toujours singulière, dont un sujet fait ou ne peut pas faire, de son propre vide, un effet du manque dans l’Autre.

Cette indication précise de Jean Pierre Deffieux : « L’humeur dans la psychose (…) est une des modalités de la jouissance quand elle n’est pas symbolisée par le phallus ». 4 constitue un repère essentiel dans nos travaux sur ce thème. Essentielle aussi est la référence à « Télévision », où Lacan nos indique que l’affect devient« trouble de l’humeur lorsque c’est l’Autre qui se trouve lâché dans ce rejet del’inconscient ».5

Ainsi, cet après-midi de travail sera une occasion privilégiée de mettre en évidence une clinique du vide opposée à une clinique du manque » 6

Il sera question dans notre après-midi de travail, d‘étudier, au singulier de chacun des quatre textes qui seront commentés, comment lesdites variations de l’humeur témoignent du rapport à la jouissance, comme un des effets de la structure.

BVindret


1 Lire à ce propos la conférence de JR Rabanel à la Section Clinique de Lyon
2 ARCE ROSS G, : La Cause Freudienne N35, p77-78.
3 LAURENT E., L’envers de la biopolitique, Ed Navarin Le Champ Freudien, 2016, p.52
4 DEFFIEUX J., P In Variétés de l’humeur, Ed Navarin, 2008, p. 111-112
5 LACAN J., « Télévision », in Autres Ecrits Ed Seuil, 2001, p. 526
6 COTTET S., « Gai savoir et triste vérité », in La Cause Freudienne, N 35, 1997